Inge Declercq : « Dans le futur, il y aura plus de stimuli mais pas spécialement plus de stress »

Voyage vers le futur ou retour dans le passé ? Ce mois-ci Dr. Inge Declercq, experte du stress et du sommeil, jette un coup d’œil à sa boule de cristal afin de nous en dire plus sur le passé, le présent et le futur du stress. « Si nous ne faisons rien, le futur pourrait bien nous submerger. » 

Luc Swinnen

Dr. Inge Declercq est médecin, neurologue et experte du stress et du sommeil. Elle travaille à l’UZ Anvers, pour son entreprise SleepWell-StressLess et inspire des milliers de personnes à travers ses conférences et ses livres tel que Quand votre cerveau dit pause !

Le stress dans le passé

Monstres préhistoriques

« L’humain a toujours été stressé », explique Inge. « Cependant, durant la préhistoire, cette réaction du cerveau nous indiquait simplement "sauvez-vous !" Imaginez-vous l’Homme préhistorique qui vient à se retrouver nez à nez avec un lion. Une fois le danger éliminé (donc une fois le lion chassé ou tué), il pouvait revenir au calme. Bien pratique !

Je veux plus (de stress)

Les gros prédateurs ont été remplacés en cours de route par les facteurs de stress actuels : le travail, les patrons, les technologies et les obligations sociales. La révolution industrielle a donc amorcé un basculement important dans notre perception du stress.

« Nous avons perdu de vue l’essentiel en voulant toujours plus : plus de gains, plus de production et plus de croissance. C’est à ce moment-là que l’humain a commencé à considérer le PIB (Produit Intérieur Brut, ndlr) comme mesure de la prospérité sociétale, reléguant le bien-être mental et physique en arrière-plan. »

Le stress aujourd’hui

Erreur de fabrication

Aujourd’hui il est donc moins évident de revenir au calme après une réaction de stress. « Nous nous retrouvons avec une discordance évolutive», commente Inge. « Le signal bref autrefois créé par le cerveau afin de nous prévenir et de nous sauver est aujourd’hui activé en permanence. Un peu de stress peut être productif pour respecter l’une ou l’autre deadline, mais le stress constant nous use peu à peu. »

Dans le rouge

Le résultat ? Nous nous retrouvons dans une zone rouge. « Nous nous épuisons car nous ne parvenons pas compenser le stress par des moments de paix intérieure. Aujourd’hui, l’épuisement est à l’origine de nombreux burn outs. Le stress excessif est dans l’air du temps : tout le monde vient à l’endurer de manière plus ou moins prononcée, mais beaucoup de personnes ignorent comment le gérer. »

Faites le test !

D’après Inge, il est possible de catégoriser les personnes qui ne gèrent pas bien le stress en trois groupes. Et vous, à quel groupe appartenez-vous ?

  • Les je-sais-tout : « Ces personnes se préoccupent trop du stress. Elles téléchargent des applications, font le suivi de tout, lisent des livres, méditent constamment et sont des fanatiques de sport. Bref, elles sont tellement à la recherche d’équilibre que, vous vous en doutez, cela leur procure du stress. »
  • Les autruches : « Ces personnes refusent de voir la réalité en face. Elles se laissent submerger par le stress et disent "oui" à tout, sans penser à elles-mêmes. »
  • Les anxieux chroniques : « Ces personnes ont tellement peur du stress qu’elles restent coincées dans cet état d’anxiété. C’est un cercle vicieux. »

L’aide est en route

Heureusement, tout n’est pas noir. Étant donné le niveau de stress que nous subissons, maintes recherches sont effectuées à ce sujet. « Il existe de nombreux experts et outils qui peuvent vous aider. Mon livre ‘Quand votre cerveau dit pause’, par exemple, explique que le stress n’est pas toujours néfaste et vous aide à gérer l’intensité du quotidien. J’ai également créé Mirror SleepWise, une plateforme en ligne permettant de sortir du cercle vicieux et qui peut aider les mauvais dormeurs. Car ce n’est pas de votre faute si vous souffrez de la tendance actuelle au stress, ne vous sentez surtout pas coupable. Des professionnels sont là pour vous aider ! »

Suivez le webinaire avec le Dr Inge Declercq.

Le stress à l’avenir

Couler…

Le stress a crû considérablement depuis la révolution industrielle et la technologie continue aujourd’hui à évoluer à une vitesse folle. Mais est-ce que cela ne fera qu’empirer dans le futur ? « Si vous négligez les connaissances acquises aujourd’hui ou que vous ne faites tout simplement rien, vous risquez d’être complètement dépassé dans le futur », prévient Inge. « N’attendez donc pas que le monde autour de vous ralentisse la cadence afin de construire votre propre havre de paix. Car ce n’est pas près d’arriver. »

…nager…

« Vous ne voulez pas vous noyer ? Dans ce cas, levez le pied lorsque le rythme s’emballe et voyez si vous pouvez accueillir le changement en apprenant à mieux le comprendre. Prenez l’intelligence artificielle. Elle évolue très rapidement mais elle ne doit pas forcément vous effrayer. Une fois que vous en savez plus sur elle, elle peut même vous faciliter la vie. Pensez par exemple à la réticence initiale de certaines personnes face aux réunions Zoom ou Teams. »

…ou s’adapter ?

Qu’en est-il alors des personnes qui ne souhaitent pas s’y intéresser activement ? « Nous ne pouvons pas nous y fier aveuglément mais notre cerveau est dynamique et adaptatif. Depuis l’avènement du GSM nous utilisons bien plus nos pouces. Par conséquence, la partie de notre cerveau en charge de la motricité de nos pouces est devenue plus grande. Au plus nous vivons des situations de stress, au plus grande la probabilité que notre cerveau s’y adaptera. »

« Nous sommes peut-être actuellement au sommet de notre niveau de stress », explique Inge. « Les stimuli continueront à augmenter à l’avenir mais ce ne sera pas spécialement le cas pour notre niveau de stress. Les connaissances que nous avons acquises aujourd’hui au sujet du stress et comment vivre avec, vont également continuer à se développer. Si vous me le demandez, je pense que nous trouverons un juste milieu, même s’il va falloir faire un effort. »

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