Anoek Smeyers: « Le harcèlement affecte l’ensemble intervenants »
Lorsque les histoires joyeuses se font plus rares et que les yeux pétillants se voilent, les parents sentent l’orage approcher. Mais comment agir face au harcèlement ? Anoek Smeyers, pédagogue scolaire, vous partage quelques étapes pour lancer la discussion et gérer la situation avec tact.
Anoek Smeyers est active depuis plus de 18 ans en tant que pédagogue scolaire et est co-fondatrice du centre EVO, un centre luttant contre le (cyber)harcèlement scolaire. À l’aide de programmes tels que KiVa et STIPP, elle combat le harcèlement scolaire et s’engage pour l’égalité des chances pour chaque étudiant.
1e septembre. La sonnerie retentit, votre enfant traverse la cour de récrée en arborant un large sourire. Ce scénario est un scénario de rêve mais ne reflète malheureusement pas la réalité de tous les parents. Les mamans et les papas d’enfants en situation de harcèlement restent souvent impuissants – voir ignorants – derrière les grilles de l’école.
Anoek Smeyers s’engage à lutter contre le harcèlement et donne aux parents les outils afin d’aborder le sujet avec leurs enfants. « La frontière entre moqueries et harcèlement est parfois franchie très subtilement mais les répercussions sont énormes. Tant pour l’enfant harcelé que pour le harceleur et leur entourage. »
Quel est la différence entre moqueries et harcèlement ?
« Lorsqu’il est question de moqueries ou d’une dispute, il est question d’échange. Chaque parti est sur le même pied d’égalité et est capable de se défendre. Une fois que ce rapport de forces entre en déséquilibre et que le comportement devient systématique, on parle de harcèlement. La définition est d’ailleurs la suivante : "Le harcèlement est le fait d’attaquer quelqu’un intentionnellement et répétitivement (de manière verbale, relationnelle, physique ou en ligne) et de créer un déséquilibre dans le rapport de forces, ne permettant plus à la victime de se défendre." »
Comment reconnaitre un enfant se retrouvant en situation de harcèlement ?
« Idéalement, l’enfant en parle de lui-même. Mais dans 20 à 25 % des cas, les victimes n’osent pas en parler. C’est pourquoi il faut être attentif aux changements de comportement. Est-ce que votre enfant devient plus angoissé(e) et silencieux/silencieuse ? Ou justement plus brutal(e) et impulsif/impulsive ? Est-ce que votre bambin régresse dans son développement ?
Les résultats scolaires peuvent également être un bon indicateur. Les enfants se retrouvant dans une situation de harcèlement ont plus de mal à se concentrer. Cela se traduit par de mauvaises notes inattendues ou une série d’interrogations ratées. Si en plus de cela vous constatez un comportement négatif chez votre enfant, il est peut-être temps de lui poser quelques questions. Il se peut que cela n’a rien à voir avec une situation de harcèlement, mais ces signes restent importants et méritent d’être discutés. »
Comment agir en tant que parent lorsque votre enfant est le harceleur ?
« Le harcèlement est un comportement de groupe. Les "suiveurs" et autres subissent également des répercussions négatives. Toutefois, par colère ou culpabilité, les parents oublient parfois de s’inquiéter lorsque leur enfant adopte un comportement de harcèlement. Lancez la discussion en posant quelques questions simples. Pourquoi se comporte-t-il ou elle ainsi ? Y a-t-il quelque chose qui le/la tracasse ?
Une sanction peut être appropriée mais cela ne solutionnera pas le problème. Par contre, une approche réparatrice encouragera votre enfant à changer de comportement. Discutez ensemble de comment redresser la situation en tenant compte de la victime. Cela peut être en présentant des excuses ou en réparant ce qui a été cassé. Une épreuve douloureuse peut ainsi se transformer en une occasion d’apprendre à prendre ses responsabilités et de grandir. »
Est-il possible d’agir préventivement ?
« Il existe quelques conversations importantes à avoir avec votre enfant. Pensez entre autres à la (parfois redoutée) conversation sur la sexualité. Mais il faudrait pouvoir avoir la même discussion sur le harcèlement.
Si vous avez du mal à en parler, profitez d’initiatives tel que la Journée internationale contre le harcèlement ou parlez-en à la maison lorsque le sujet a été abordé en classe. Cela permet aux enfants de comprendre que la maison est un endroit sûr pour parler de tout, également du harcèlement. »
7 étapes pour agir avec précaution contre le harcèlement
Suivez ces étapes afin d’écouter activement, de réagir honnêtement et d’agir consciemment.
- Discutez-en autour d’un café
En tant que mère ou père, votre cœur se brise et le message est difficile à assimiler. Il n’y a pas de souci à ce que votre enfant voie que son message vous touche, mais vos émotions ne peuvent pas prendre le dessus. Offrez-vous un peu de temps en expliquant que vous souhaitez en discuter calmement et que vous voulez d’abord préparer un café. Ces quelques minutes vous permettront de reprendre votre souffle et votre esprit. - Venez au calme
Éteignez la radio et la télévision et restez calme afin de laisser l’espace à votre enfant pour raconter son histoire sans distraction ou interruption. - Ne cherchez pas immédiatement de solutions
En tant que parent l’on a tendance à ôter la responsabilité des mains de nos enfants, surtout en cas de situation difficile. Mais vous risquez ainsi de perdre une partie de l’histoire. Écoutez jusqu’à la fin avant d’agir. - « Je ne ferrai rien sans que tu ne le saches »
Les victimes ont souvent peur d’empirer la situation en la partageant avec quelqu’un : « Je te le dis, mais ne le raconte à personne ! » En promettant cela, vous briserez la confiance de l’enfant plus tard, lorsque vous entreprenez une action. Dites plutôt que vous n’agirez pas sans que votre enfant ne le sache. Vous le faites ensemble. - Agissez en connaissance de cause
Une fois que vous avez entendu toute l’histoire, il est temps de vous concerter sur les étapes à entreprendre. À qui votre enfant peut-il/elle se confier au sein de l’organisation où prend place le harcèlement. Est-ce qu’il ou elle en a déjà parlé à cette personne et cette dernière n’a rien fait ? Faites confiance à l’intuition de votre enfant. - Convenez d’un moment
En tant qu’enfant il peut être stressant de voir sa mère débouler vers l’entraineur, sans avertissement. Convenez donc avec votre enfant du moment où aura lieu la discussion avec la personne de confiance. - Demandez de l’aide à un médiateur / une médiatrice
Ne vous tournez pas directement vers le harceleur ou ses parents. Vous n’êtes pas des ennemis mais des co-équipiers à la recherche de la solution. Dans ce cadre, il vaut mieux s’adresser à l’organisation en tant que médiatrice.